LA NATURE A DES DROITS, DE LA PHILOSOPHIE A LA POLITIQUE
Alberto Acosta et Esperanza Martínez
La toile de fond sur laquelle sont fondés les droits de la nature est, en grande partie, l’urgence planétaire face à la destruction d’écosystèmes entiers. L’urgence est le résultat d’opinions et de pratiques qui considèrent la Nature comme une source inépuisable de richesse, ou comme un dépôt de déchets.
La nature « au service du capital » a transformé tous les êtres vivants en matières premières pour divers procédés industriels. Elle a réussi à pénétrer dans les endroits les plus impensables, comme les mers profondes, les glaciers ou le génome humain. Même les atomes sont au service de l’industrie de la nanotechnologie. C’est une vision qui a fait de la conservation une stratégie d’occupation et de dépossession, en plaçant les fonctions de la nature, comme la photosynthèse, ou d’autres mécanismes métaboliques, dans le cadre d’un marché.
Les droits de la nature sont un point tournant dans un monde qui a traversé pendant plus de 500 ans diverses formes de colonialisme, 60 ans de néo-colonialisme que nous avons appelé « développement » et 10 ou 20 ans de colonialisme reconduit que nous qualifions de « globalisation », comme le dit Vandana Shiva dans son article.
De fait, jamais les colonies n’ont utilisé plus de matières premières qu’aujourd’hui. Le flux de matières premières en avions cargos, containers ou conduits est plus élevé aujourd’hui qu’à l’époque coloniale et l’impact sur la nature est d’autant plus important.
Les minéraux, l’eau, la biodiversité ont été dévalués pour devenir de la matière première ou des sources d’énergie pour une industrie qui ne cherche plus à élaborer des produits qui répondent à des besoins, mais favorise l’obsolescence afin d’augmenter la consommation, créant ainsi un cycle qui provoque un amoncellement d’ordures et un gaspillage absolu d’énergie.
Cependant, que ce soit pour la simplicité ou la commodité, la science et la politique se sont simplement limitées à décrire ou traiter ces pratiques comme des dommages collatéraux, des effets secondaires ou des impacts environnementaux. Le développement durable fait partie de la même tendance pour s’adapter aux critiques nonobstant la nécessité d’un profond changement de paradigme.